Un saké, un plaqueminier et un petit homme en kimono

Publié le 22 Juin 2016

Un saké, un plaqueminier et un petit homme en kimono

    Au club Sakai no ato de Montréal, on enseignait les arts martiaux et principalement l’Aïkido. C’était un art martial Japonais visant à regrouper tous les arts martiaux japonais pendant la guerre. Il n’y avait pas de combat puisque celui-ci se terminait dès son commencement. Il n’y avait pas non plus de technique pour réduire à néant son adversaire, mais des techniques pour réduire la tentative d’agression de son adversaire.

    On avait donné à un homme qui était inscrit au cours du club Sakai no ato, le prénom japonais d’Hako - ce prénom signifiait « enfant de la feuille d’arbre ». Il fut raconté qu’une femme aurait aperçu un bébé naître d’un arbre et qu’une feuille serait tombée à ce moment même sur la tête de l’enfant né. Ce bébé n’était autre que cet homme qui suivait le cours d’Aïkido et dont ce fut le tour d’affronter le grand maitre Kaito Nippon. On lui apprenait les techniques de projection comme par exemple la naname kokyu nage. Les techniques de projection s’obtenaient à l’aide de différents contrôles au niveau du corps: la tête, le coude, le poignet…privant son adversaire de toute autre issue que celle de la chute - ce qu’avait subit l’enfant de la feuille d’arbre tout au long de la démonstration.

    A la fin du cours, Bill prit la direction de la station de métro de Côte-Vertu. Alors qu’il s’asseyait, un homme taillé comme une poire commença à s’en prendre aux voyageurs. Cet entrée fit rappeler à Bill l’histoire d’Henry Wood qui vécut une histoire similaire. Bill se souvint qu’Henry Wood était l’un de premiers américains à avoir étudié l’Aïkido. Alors qu’il rentrait chez lui, Henry vit monté un homme à la carrure d’un menhir. Il était en état d’ivresse et commença à insulter et à frapper plusieurs personnes. Tiens, se disait Bill, comme le mien. A ce moment là, Henry se sentit obligé d’agir, et avec ces huit heures d’aïkido quotidiennes, il se sentait en pleine forme. Mais il se souvint de ce que lui avait dit son professeur: « L’aïkido est l’art de la réconciliation. Qui éprouve l’envie de se battre est coupé de l’univers. Qui essai de dominer les gens a déjà perdu. Nous apprenons à résoudre les conflits, non à les provoquer. » Quelle connerie se disait Bill. On lui apprenait des techniques de défense et il n’avait pas le droit de s’en servir; du moins pas pour provoquer afin d’engager le combat, juste en cas de légitime défense. Bill avait du mal avec cette notion de contrôle alors que le Maitre Kaito Nippon avait été très clair à ce sujet. Il arrivait à Bill de chercher plus le combat (il aimait cela et on le soupçonnait de s’être inscrit uniquement dans cette optique) que d’utiliser la riposte défensive lors des entrainements avec un autre élève. Le maitre Kaito Nippon frappait Bill à coups de bâton sur la tête lorsqu’il s’en apercevait.

    Mais revenons à l’histoire d’Henry Wood. Bill se souvint que l’ivrogne à la carcasse de menhir s’apprêtait à foncer sur Henry après lui avoir dit: « espèce d’étranger, je vais te mettre une bonne raclé ! » C’est à ce moment là qu’une voix enjoué se fit entendre: 

    - Hé ! dit un vieil homme, petit et en kimono. 

    L’ivrogne, surprit, se retourna et le vieux lui fit signe de s’approcher par un geste de la main. L’homme menhir s’exécuta et dit au petit vieillard en kimono:

    - Qu’est-ce tu me veux le vieux ?  

    Le vieillard lui avait demandé ce qu’il était en train de boire. 

    - Du saké, répondit l’ivrogne. Mais mêlez-vous de vos affaires sinon je m’en vais vous mettre une bonne raclé à vous aussi !

    Le petit vieillard en kimono fut plus que conquis. Il avait dit à l’homme menhir avec une voix chaude qu’il adorait lui aussi le saké et qu’il en buvait dehors avec sa chienne - il lui avait appris à boire du saké dès son plus jeune âge. Le petit homme vieux lui parla également de son plaqueminier qu’il cultivait avec sa chienne, en contrebas de sa maison, et de toutes les richesses que cela lui apportait - elle l’aidait à planter les racines nues des kakis.

    Alors qu’il écoutait le petit vieillard, le visage de l’homme à la carcasse de menhir commença à s’ouvrir, et ses muscles à se relâcher. 

    - Oh, moi aussi j’aime bien les plaqueminiers, déclara l’homme menhir alors que sa voix s’apaisait.

    Bill, lui, n’aimait ni le saké, ni les plaqueminiers. D’ailleurs il n’avait aucune idée de ce qu’était un plaqueminier. 

    « Vous savez, dit le petit homme qui était vieux et qui portait un kimono, ma femme est morte. Un terrible accident. Elle m’aidait à ramasser les kakis. En se penchant, une branche lui est tombé au niveau du cou, lui faisant le coup du lapin. Elle est morte sur le coup. Avant sa disparition, elle m’avait offert une chienne pour mon anniversaire. Pour me sentir moins seul, disait-elle. Pour quand elle partira un jour. Vous devez avoir une femme extraordinaire comme le fut la mienne.

    - Elle est morte, répondit l’homme menhir. J’ai perdu par la même occasion mon foyer, mon travail et savez-vous combien j’en ai honte.

    Quand le train arriva en gare et avant qu’il ne descende, Henry entendit le petit vieillard qui portait un kimono inviter l’ivrogne à venir racontait son histoire et le vit poser sa tête sur les genoux de cette homme pleine de sagesse. 

    Cette histoire donna à Bill une inspiration sans équivoque. Il partit retrouver l’homme en forme de poire qui s’était pointé dans la même rame que lui. Au bout du compte, cela ne s’était pas très bien passé pour lui. Bill s’en était sortit avec un oeil au bord noir et le nez cassé.

Rédigé par A.D

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